Rilke, Le Livre de la vie monastique
Dieu ne parle à chacun qu'avant de le créer
puis avec lui, muet, il délaisse la nuit.
Mais ses paroles, avant que chacun ne commence,
ces paroles de nuage sont :
Messager de tes sens,
va jusqu'au bord de tes désirs ;
donne-moi une robe.
Dresse-toi, incendie, derrière toutes choses,
afin que leur ombre tendue
me cache toujours en entier.
Accepte ce qui t'adviendra : le Terrible et le Beau.
Il suffit d'aller : nul sentiment n'est le plus loin.
Ne permets que l'on nous sépare.
Proche est le pays
qu'ils appellent Vivre.
Tu le reconnaîtras
à sa gravité.
Donne-moi la main.
Rainer Maria Rilke, Poésie, Seuil, 1972, p.99