Vers dorés
Eh quoi ! Tout est sensible !
Pythagore
Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'Univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
Tout est sensible ; - et tout sur ton être est puissant !
Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie :
A la matière même un Verbe est attaché...
Ne la fais point servir à quelque usage impie.
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et, comme un oeil naissant couvert par ses paupières
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres.
Gérard de nerval, Vers dorés, Mysticisme, Gallimard, 1995, p.133.